Avant de confronter les appellations FLE et FLI, il est essentiel d’expliquer ces deux notions étroitement liées et qui, nous le verrons dans cet article, ne sont pas totalement opposables l’une à l’autre. Si le FLI cible un public et une démarche pédagogique bien précise, le FLE est un concept plus général dans l’enseignement du Français et qui prête parfois à confusion dans l’utilisation de cet acronyme.
Qu’est-ce que le FLE ?
Le Français Langue Etrangère est une langue vivante qui est enseignée aux étrangers non francophones dont l’objectif est de pouvoir communiquer en langue française. Le FLE est enseigné aussi bien à l’étranger qu’en France. De la méthode grammaire-traduction jusqu’à l’approche actionnelle en passant l’approche communicative, l’enseignement du FLE a connu des innovations didactiques et pédagogiques au cours de ces 70 dernières années mais l’objectif est resté inchangé :répondre aux besoins de ses apprenants. Ces besoins sont parfois très différents selon les publics et les contextes : apprendre le français pour voyager en France, apprendre le français pour étudier en France, apprendre le français pour travailler avec des interlocuteurs français, apprendre le français pour l’enseigner dans une école en France ou à l’étranger…Selon publics, les thématiques et les contenus de formation vont donc variés même si le cadre européen commun de référence (CECR) 1 permet aux passeurs de la langue d’avoir un descripteur complet des compétences à acquérir pour l’atteinte d’un niveau cible (A1, A2,B1, B2, C1, C2).
Les appellations du FLE
Au fil des années, suite à des prises de positions différentes et des débats animés entre des experts et les institutions, des spécialistes des sciences du langage ont fait savoir que les champs d’application du FLE n’étaient pas assez précis. De nouvelles appellations sont donc venues compléter, voire bousculer selon les avis, le FLE. La première « spécialisation » du FLE qui apparait est le Français Langue Seconde (FLS). Cette appellation fait référence à l’origine à l’enseignement du français dans le système scolaire : à l’école, au collège ou au lycée pour des mineurs non francophones dont l’objectif est d’intégrer et de suivre le programme scolaire « normal ». Le FLSCO (le Français Languede Scolarisation) prendra le relai dans l’enseignement du français en contexte scolaire. Puis d’autres appellations sont apparues :
Notre article s’intéresse essentiellement au rapport qui peut exister entre le FLE et le FLI. Nous avons dans cette première partie tenter de vous détailler les champs d’application du FLE, il est essentiel, avant de confronter ces deux appellations, de vous détailler dans une seconde partie notre perception du FLI.
Le FLI : Champs éducatifs et public spécifiques
Le Français Langue d’Intégration répond à un besoin spécifique dans l’acquisition du français ce qui va engendrer une pédagogie adaptée à un public bien précis. Pour en comprendre son intérêt, revenons d’abord sur l’origine de cette appellation.
« Depuis les années 1980, il ne s’agit plus d’une immigration de travail constituée majoritairement d’hommes jeunes et seuls qui viennent travailler pour un temps limité puis repartent au pays : la « noria » des travailleurs que décrit Noiriel (1988) fait place à un mouvement d’implantation durable de familles qui s’installent et fondent leurs projets en France » 2 .
Cette modification va entrainer de profonds changements dans la politique Française sur les questions relatives à l’intégration des populations étrangères. En effet, la maîtrise de la langue française va prendre une dimension plus importante car elle n’est plus considérée comme un objectif d’apprentissage mais un outil indispensable pour s’intégrer socialement et professionnellement en France. L’apprentissage de la langue en situation d’immersion à donc changer la donne : Il est indispensable pour les migrants, voire vital de comprendre et de se faire comprendre. Avant d’être un apprenant, c’est :
Référentiel et Label FLI
Les institutions françaises vont se saisir de ce sujet et à travers la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France et de la Direction de l'Accueil, de l'Intégration et de la Citoyenneté, un référentiel pour l’obtention d’un label « FLI » va être publié. Ce référentiel, à destination des organismes de formation souhaitant obtenir le label FLI, va catégoriser les missions des différents services à l’aide d’une grille de lecture, de critères à respecter pour l’obtention du label. Ce qui nous intéresse plus particulièrement ici sont les critères relatifs à l’enseignement du FLI et les approches différentes qui vont la distinguer du FLE :
Ces extraits tirés du référentiel FLI nous démontre les spécificités qui vont se différencier du FLE et non remplacer le FLE à savoir : L’utilisation de supports authentiques auxquels sont confrontés les migrants dans leur quotidien, la priorité axée sur « comprendre et se faire comprendre » plutôt que les formes orales et écrites des interactions, des thématiques ciblées sur les relations sociaux-professionnelles et citoyennes des apprenants plutôt que des leçons « très générales ».
FLE vs FLI : Une vraie fausse opposition ?
Nous avons suffisamment décrit les champs d’application du FLE et du FLI pour apporter notre opinion sur la question : Y a-t-il une différence entre le FLE et FLI ?Comme toutes les appellations de l’enseignement du Français qui sont apparues ces 30 dernières années, il est difficile de confronter ces deux notions car le FLI est plutôt considéré
comme une branche du FLE avec ses particularités. Certains décrivent le FLE comme la langue enseignée à des non francophones de passage en France, ce qui est, selon nous, une description très sommaire de l’enseignement du FLE. Que faisons-nous des étrangers qui apprennent le français dans leur pays d’origine pour diverses raisons (personnelles, professionnelles, ouverture culturelle…) ? Il n’y aurait donc aucune appellation de l’enseignement du français pour ces publics ? Pourtant les institutions d’apprentissage du français dans les pays étrangers proposent pour la quasi-totalité des cours de FLE. C’est justement cette confusion qui va fait naitre une opposition entre les appellations.
Le FLE à donc pour unique définition : l’apprentissage du français à un public étranger.
Le FLI quant à lui a perdu son appellation depuis la suppression du LABEL en 2018 pour des raisons idéopolitiques : L’appellation FLI, utilisée et créée pour dispenser des formations linguistiques à des migrants signataire du contrat d’intégration républicaine 3 a été considérée comme « inutile ». Le débat sur l’intérêt du label FLI n’est pas l’objet de cet article mais il a grandement contribué à mettre en confrontation le FLE et le FLI d’où la nécessité de faire ce rappel.Le
FLI au service du FLE
Si l’appellation FLI est de nos jours très peu utilisée, la démarche pédagogique qui s’y réfère est toujours bien encrée. Les formations linguistiques à destination des primo-arrivants en France ne portent plus officiellement l’appellation FLI. L’Office Français de L’intégration et l’Immigration (OFII), opérateur de l’état à intitulé les marchés publics « FL » : Formation linguistique. Pourtant, lorsque l’on consulte les contenus pédagogiques et le programme de formation proposé, nous constatons que la priorité de la formation est axée sur des thématiques liées au quotidien des apprenants (Déplacement, Parentalité, logement, santé, éducation, citoyenneté.) et sur l’utilisation de supports authentiques (formulaire d’inscription Pôle-emploi, documents CERFA, enregistrement audio en contexte…)… le fondement même de la démarche du Français Langue d’Intégration.
De plus, tout étudiant souhaitant se former aux sciences du langage n’aura plus la possibilité de choisir un master FLI car depuis la réforme tous les masters portent la mention FLE. Cependant, lorsque nous étudions de plus près les programmes, nous constatons que la marque du FLI est toujours présente dans les modules proposés : « politiques linguistiques », « Français en situations de migration ». Au même titre d’ailleurs que les autres appellations (FOU, FOS, FLSCO…)
Sur ce constat, nous pouvons dire que le FLI a été « absorbé » et qu’il s’est mis au service du FLE pour ajouter une corde de plus à son arc.
1 Le Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer (CECR) a été conçudans l’objectif de fournir une base transparente, cohérente et aussi exhaustive que possible pour l’élaborationde programmes de langues, de lignes directrices pour les curriculums, de matériels d’enseignement etd’apprentissage, ainsi que pour l’évaluation des compétences en langues étrangères.
2 Hervé Adami et Virginie ANDRÉ, « Corpus et apprentissage du Français Langue d’Intégration (FLI) », Linx [Enligne], 68-69 | 2013, mis en ligne le 19 novembre 2015, consulté le 14 avril 2022. URL :http://journals.openedition.org/linx/1535 ; DOI : https://doi.org/10.4000/linx.1535
3 Le contrat d'intégration républicaine (CIR) est conclu entre l'État français et tout étranger non européen admisau séjour en France souhaitant s'y installer durablement, sauf exceptions. Le signataire s'engage à suivre des formations pour favoriser son insertion dans la société française. La formation civique est obligatoire. Uneformation linguistique peut vous être demandée en fonction de votre niveau en français.